France-Québec-Acadie : identités en mouvance, regards croisés

« Le rapport que les francophonies canadiennes entretiennent avec la France n’est jamais simple, car il se construit sur un double désir d’émancipation et de reconnaissance, de liens à rompre et de liens à maintenir. Tout se passe comme si les francophonies canadiennes hésitaient constamment entre leur américanité et leur francité, entre une part de leur identité forgée à même le continent et une autre part puisée à même un héritage français dont on se réclame encore aujourd’hui. Au Québec, par exemple, on remarque une volonté de sortir du giron français pour se définir, ce qui donne lieu, au milieu du XXe siècle, à une querelle d’écrivains qui a amené Robert Charbonneau à affirmer, dans La France et nous (1947), qu’il était temps que le Canada français prenne acte de la position géographique nord-américaine qu’est la sienne et qu’il en vienne à l’inévitable constat que « [n]ous ne sommes pas Français » (Charbonneau, 1993/1947, p. 34). Pour Charbonneau, l’affirmation identitaire des Canadiens français ne passait pas par le maintien de la filiation traditionnelle à la France, mais en mettant en avant-plan sa signification américaine. Depuis ce constat, les francophones du Canada ont pris acte de leur position géographique « et culturelle et en sont venus à repenser les fondements de leur identité en précisant leurs particularités régionales tout en affirmant leur appartenance à la réalité continentale. Cette américanité des espaces francophones du Canada ne signifie cependant pas la rupture complète d’avec la France, au contraire, cette dernière occupe toujours une place de choix dans leur imaginaire. »